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L'inégalité en pratique : le cas préoccupant des enfants sans acte de naissance au Cameroun
- Aout 2024
- La région de l’Est , Cameroun
L'acte de naissance au Cameroun : Un passeport pour l'éducation
Au Cameroun, l’acte de naissance est bien plus qu’un simple document administratif : c’est la clé qui ouvre la porte de l’éducation secondaire et des opportunités futures pour des millions d’enfants. Malheureusement, près de 1,67 million d’enfants ne possèdent ce précieux sésame, soit environ 29 % des élèves scolarisés. Les répercussions de ce manque d’accès à l’enregistrement sont considérables, restreignant les opportunités éducatives et économiques de nombreux enfants, en particulier dans les zones rurales. Dans cet article, nous présenterons les données récentes de la Banque mondiale, les défis liés à l’obtention des actes de naissance et les efforts déployés pour surmonter ces obstacles pour garantir l’accès à l’éducation pour tous.
Les enjeux de l'acte de naissance au Cameroun
L’acte de naissance est un document officiel indispensable pour intégrer le système éducatif secondaire au Cameroun. Sans ce document, les élèves ne peuvent se présenter aux examens de fin d’études primaires, compromettant ainsi des années d’éducation précieuses. Il est nécessaire pour obtenir le Certificat d’Études Primaires (CEP) ou le Certificat de Fin d’Études Primaires (FSLC). Environ un tiers des enfants scolarisés au Cameroun se trouvent sans acte de naissance, un défi particulièrement préoccupant dans les zones rurales et défavorisées. Cette situation entrave l’accès à l’éducation secondaire et peut mener à l’abandon scolaire précoce.
Impact sur l'éducation
L’absence d’acte de naissance a des conséquences graves sur le parcours scolaire des enfants. Sans ce document, ils ne peuvent pas :
- Passer l'examen de fin de primaire (CEP ou FSLC)
- Accéder à l'enseignement secondaire
- Bénéficier pleinement des opportunités éducatives
Cette situation entrave considérablement le taux de réussite des études au Cameroun et perpétue les inégalités sociales.
Un problème de statistiques alarmantes
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, environ 1,67 million d’enfants de scolarisés ne possédaient pas d’acte de naissance. Selon une étude de la banque mondiale, 30,1 % des enfants en primaire ne disposent pas de ce document. On observe une prédominance de ce problème dans les régions rurales et défavorisées, où près de 47,1 % des enfants sont concernés. Le taux de réussite scolaire est impacté par cette situation préoccupante, ce qui restreint l’accès à une éducation de qualité.
Les barrières à l'enregistrement civil
Les coûts élevés et la complexité des procédures d’enregistrement constituent des obstacles majeurs pour les familles à faible revenu. Ces difficultés freinent l’accès des enfants à un acte de naissance, compromettant ainsi leur avenir éducatif
Coûts prohibitifs
Le chemin pour obtenir un acte de naissance est parsemé d’embûches. Les coûts associés sont dissuasifs pour de nombreuses familles à faible revenu. En moyenne, les frais s’élèvent à environ 32 700 FCFA (54 USD $) pour se procurer cet acte. Cela représente plus d’un mois de travail pour les 25 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté. De plus, les procédures administratives sont complexes et nécessitent des déplacements parfois longs jusqu’aux bureaux de l’état civil, en particulier dans les zones rurales.
Le parcours de Fatima
Prenons l’exemple de Fatima, une jeune maman vivant dans un village isolé de l’Extrême-Nord. Elle doit parcourir des kilomètres pour déclarer la naissance de son premier enfant, mais fait face à des exigences administratives chronophages et coûteuses. Ce parcours a non seulement un coût financier, mais crée également un stress émotionnel pour les familles qui souhaitent assurer l’avenir de leurs enfants.
Complexité administrative
La procédure est longue et complexe, impliquant de nombreuses étapes et déplacements :
- Obtention d’un certificat d’âge apparent
- Attestation de non-déclaration de naissance
- Jugement supplétif au tribunal
- Multiples allers-retours entre différentes administrations
Accessibilité géographique
Dans les zones rurales, l’accès aux centres d’état civil peut nécessiter plusieurs heures de trajet, ce qui complique encore davantage la démarche pour de nombreuses familles.
Des solutions opérationnelles mises en place mais temporelles
- Solution temporaire
Pour faire face à ce défi, des mesures temporaires ont été mises en place en 2024, notamment des opérations d’enregistrement spéciales en collaboration avec des partenaires tels que la Banque mondiale et l’UNICEF. Ces initiatives permettent aux élèves sans acte de naissance de s’inscrire pour les examens, mais mais ne résolvent pas les problèmes systémiques en profondeur.
- Opérations spéciale
Une collaboration multisectorielle a permis d’élaborer des solutions efficaces, telles que la numérisation des procédures et des incitations locales pour encourager l’enregistrement des naissances.
Une approche holistique, impliquant les ministères de l’éducation, de la justice, des organismes internationaux et des collectivités locales a permis de lancer une opération spéciale pour fournir des actes de naissance aux élèves en difficulté.
- Mesures à long terme pour garantir l'éducation pour tous
D’ici 2030, l’objectif visé est d’assurer l’enregistrement universel pour garantir l’égalité des chances pour tous les enfants. Pour y parvenir, il est essentiel de mettre en place des politiques inclusives, de simplifier les démarches administratives et d’améliorer l’accès aux services d’état civil. De plus, des efforts coordonnés sont nécessaires pour lever les barrières systémiques à l’éducation..
- Réformes législatives et administratives
Des réformes sont nécessaires pour simplifier les procédures d’enregistrement, afin qu’elles soient accessibles et abordables.
- Il faut réviser la loi sur l'état civil pour permettre la numérisation et la simplification des démarches.
- Un diagnostic complet doit être réalisé, accompagné de recommandations pour résoudre les problèmes d'état civil de manière globale.
Conclusion
Au Cameroun, l’absence d’actes de naissance restreint l’accès à l’éducation et accentue les inégalités. Des actions intersectorielles et des initiatives efficaces sont nécessaires pour résoudre ce problème, notamment un accès abordable à l’enregistrement des naissances pour assurer un meilleur avenir aux enfants. Bien que des progrès aient été réalisés, atteindre un enregistrement universel d’ici 2030 demeure un objectif crucial. Il est primordial de simplifier les démarches et de réduire les coûts pour garantir l’égalité des chances à tous les enfants camerounais. Des solutions collaboratives peuvent contribuer à surmonter ces difficultés et assurer une éducation de qualité pour chacun.
Il est impératif que nous tous, en tant que société, agissions pour mobiliser les ressources nécessaires en faveur des réformes. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que chaque enfant au Cameroun ait les documents nécessaires pour accéder à l’éducation et réaliser son potentiel.